Aller au contenu

[Lecture] Murasaki Shikibu - Le dit du Genji


D.W.

Messages recommandés

Commençons par un petit mot sur l'auteur.

Murasaki Shikibu est une Dame ayant vécu aux Xème et XIème siècles (environ 978-1014). Elle était au service de la fille de l'Empereur japonais de cette époque (l'empereur Ichijô). Lorsque son mari meurt (en 1001), elle ne se consacre plus qu'à l'écriture, et plus particulièrement à sa principale oeuvre: Genji Monogatari.

Et ça raconte quoi ?

L'histoire de ce roman (le plus ancien roman japonais, et l'un des plus ancien du monde), est assez difficile à résumer en quelques lignes, tant il est riche en personnages et situations. Il est composé de 54 chapitres, mais seuls 33 chapitres sont disponibles en France.

Il s'agit de l'histoire du prince Genji, fils de l'empereur, mais ne pouvant monter sur le trône impérial. Murasaki Shikibu nous décrit donc les aventures de ce prince à la cour, sa vie, ses conquêtes.

En fait, à travers ce récit, c'est toute la société japonaise de l'ère Heian qui nous est décrite.

Ce livre, c'est pour qui ?

Si vous vous intéressez de près au Japon, vous ne pouvez (devez) pas passer à côté de ce chef-d'oeuvre de la littérature japonaise.

Pour les autres, ça peut être la découverte d'un style différent de ce que vous connaissez, et une très belle aventure littéraire.

Précautions d'emploi.

C'est un texte assez difficile à aborder, donc ça ne se lit pas dans les transports en communs. Non, il faut se poser, au calme, et avoir du temps, beaucoup de temps. Il y a tellement de personnages (pratiquement 300), qu'il faut à plusieurs reprises ne pas hésiter à revenir en arrière pour retrouver le fil de l'histoire. Parce que ces personnages changent de noms et de rang au cours du récit. Rassurez-vous, "seulement" une soixantaine de personnages sont approfondis.

D'autre part, la traduction restitue très bien le style ancien de l'écriture. Donc les phrases à rallonge sont assez fréquentes.

De plus, Murasaki Shikibu était une très grande poétesse. Et l'on retrouve de nombreux waka (poèmes courts japonais) tout au long des pages, dont la compréhension s'avère parfois assez difficile, mais pas impossible.

Cette lecture n'est pas insurmontable. J'ai réussi à lire les 900 pages sans problème, alors que d'une manière générale, je déteste lire. J'ai pris mon temps pour tout lire (plusieurs mois), car j'ai lu certains passages plusieurs fois afin de retenir un maximum d'informations. Si je devais le relire (chose que je ferai sans doute dans quelques années), cette fois je noterais sur un papier les noms de tous les personnages rencontrés, avec leur rang, et les relations qui les lient les uns les autres.

Pour finir, je pense que ce livre fait partie de ceux dont il n'est possible d'avoir que deux sentiments au bout du compte: soit on adore, soit on ne s'habitue pas au style.

Si vous décidez de vous lancer dans ce récit, bonne lecture. Sinon, pour les autres, dans le même registre, il reste toujours la lecture de Oui-Oui voit du pays. >)

Lien à poster

Ca a l'air vraiment dense, en effet. Je m'étais essayée à la lecture de quelques auteurs japonais contemporains comme Ogawa, et j'avais beaucoup aimé la finesse de l'écriture, la subtilité du ciselage, fin et delicat comme du papier de soie.

Ca me tente vraiment mais l'ampleur de l'oeuvre m'effraie un peu. Tu connais d'autres auteurs japonais du même style?

Lien à poster

Parmi mes différentes lectures de littérature japonaise, je n'ai encore rien lu qui s'en rapproche véritablement.

En revanche, il existe un livre appelé "La branche du prunier", aux éditions POF, qui propose Le dit du Genji en condensé. Malheureusement, ce tirage est épuisé. Donc à moins de farfouiller dans des boutiques d'occasions ou de livres anciens, je ne sais pas comment le trouver.

En fait on pourrait comparer le style de Murasaki Shikibu par rapport aux autres auteurs japonais, au style de Chrétien de Troyes par rapport aux autres auteurs français. A la différence qu'elle est allée beaucoup plus loin dans la description de la société dans laquelle elle a vécu. Les récits de Chrétien de Troyes sont tintés de magie, de mysticisme, de surnaturel (si mes souvenirs sont bons), alors que dans ce livre, tout semble réel. Murasaki Shikibu a probablement idéalisé son époque, idéalisé ses personnages, mais la société décrite, elle, est bien réelle.

Dans un style différent, mais qui permet de découvrir une partie de la société japonaise au XVIème siècle, il y a par exemple Le Maître de thé de Yasushi Inoue. C'est disponible en édition de poche, et ça fait environ 200 pages. (Si j'ai le temps je ferai une petite présentation de ce livre).

Et puis il y a les presque incontournables La Pierre et le Sabre et La Parfaite lumière d'Eiji Yoshikawa. Formidable épopée se déroulant dans un Japon médiéval magnifique. Là encore, on découvre une grand époque du Japon, avec des samuraïs, des seigneurs féodaux, des maîtres ès calligraphie, des moines...

Ce sont deux pavés qui en édition de poche font environ 850 et 700 pages. Mais ça se lit très bien si l'on prend goût à ce récit.

Pour revenir sur Le dit du Genji, c'est vrai qu'il s'agit d'une oeuvre extrêmement riche et dense, mais qui se lit très bien si l'on est attentif et intéressé.

J'insiste vraiment là-dessus, car j'ai pu le lire sans aucune lassitude, alors que j'ai franchement du mal à lire, même le livre le plus banal.

Il faut se faire au style d'écriture qui date de mille ans environ. Après, lorsque l'on est dans l'histoire, on se retrouve à la cour de l'empereur du Japon au milieu de cette multitude de personnages qui défilent devant nous. On a le droit à un véritable voyage dans l'espace et dans le temps.

Pour faire court, ce récit est un chef-d'oeuvre. :/

Parmi les livres que je n'ai pas lu mais qui pourraient, vu leur époque, ressembler au dit du Genji:

- Journaux des Dames de cour du Japon ancien, de Murasaki Shikibu, Izumi Shikibu et Sarashina (1008-1021)

- Splendeurs et misères d'une favorite, de Dame Nijô (XIIIème siècle)

- Le journal de Sarashina, de Takasué Sarashina (1040)

Les deux premiers sont disponibles en édition de poche, et le traducteur n'est pas le même que pour Le dit du Genji. Le style adapté peut donc être différent.

Lien à poster

Merci pour toutes ces précisions c'est très instructif.

Je pense que la Comparaison avec Chrétien de Troie permet de se faire une bonne idée de la place de l'auteur au sein de la littérature japonaise (mis à part l'élément magique, comme tu viens de le rappeler).

Je viens de vérifier et effectivement le bouquin est épuisé (sob). J'ai plus qu'à fouiner effectivement lol. :rolleyes:

Lien à poster

Je suis un lâche: Le Dit du Genji est posé dans ma bibliothèque depuis un an et je n'ai pas encore osé affronter le morceau. Il faut dire aussi que, pauvre de moi, depuis environ un an je suis beaucoup plus proche de mon bureau donc mon temps de transport (et par conséquent de lecture) se trouve considérablement réduit.

Et le premier qui dit que je passe aussi trop de temps sur WoW va goûter à ma [Hache vampirique de puissance]

, non mais !

Pour en revenir au sujet, j'ai en revanche lu relu et re-relu le diptyque de Yoshikawa et effectivement c'est une de mes plus belles expérience de lecture. Certes ce roman aussi fourmille de personnages, d'intrigues croisées et toutes ces sortes de chose mais à aucun moment on ne sent les grosses ficelles de techniques d'écritures, le style coule et à aucun moment on ne sent dans une traduction lourdingue.

Je ne vais pas déflorer l'intrigue mais ce que j'ai le plus apprécié c'est sans doute la lenteur du récit, un récit d'initiation où finalement le chemin parcouru a plus d'importance que le but poursuivi. Au bout de ces prodigieuses 1600 pages nous n'avons vécu que quelques années de l'apprentissage de celui qui deviendra LE samouraï (Miyamoto Musashi est un personnage réel, dont les dèbuts dans l'existence sont ici imaginés, un peu comme le d'Artagnan de Dumas).

Lien à poster
  • 4 mois après...

Ah, quelle oeuvre magnifique que le Dit du Genji ! Et quelle meilleure introduction à la civilisation japonaise, franchement ? Malgré un aspect de "pavé" qui peut, il est vrai, rebuter, c'est une lecture très intéressante, très instructive culturellement. Chaudement recommandé !

A voir également, dans le même style, les Notes de chevet de Sei Shônagon, ou le quotidien de la vie d'une dame de compagnie à la cour de l'empereur (chez Gallimard en poche), ou encore le dit du Heike, malheureusement pas encore disponible en français, apparemment...

Lien à poster
×
×
  • Créer...