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[Lecture] Yves Pagès -- Petites natures mortes au travail


bunee

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Editions Verticales -- Le Seuil

collection Points

ISBN 2-02-051058-8

D'après ce qu'on découvre dans cet entretien:

Q: Les Petites Natures mortes au travail sont dédicacées à un philosophe italien Paolo Virno (...)

R: J’ai vécu un an en Italie, (...) J’ai rencontré là-bas Paolo Virno, un philosophe et ex-militant d’extrême-gauche italien. Cette rencontre a été très fructueuse, j’y ai découvert une pensée aussi libre que celle de Gilles Deleuze (...) ainsi qu’une réflexion politique subversive qui, au lieu de plaquer une grille idéologique toute faite sur le réel, tentait de comprendre et de tirer les conséquences de la mutation de nos sociétés post-fordistes.

Mes Petites Natures mortes au travail, ces formes de fictions-documentaires, doivent beaucoup aux discussions que j’ai eues avec Paolo sur les mutations des formes du travail.(...)

On parle donc de fiction-documentaire (ou de documentaire fiction, c'est selon) .

Je tiens à préciser qu'ici je n'entends pas approfondir la dimension politique de la démarche, car c'est un aspect qui ne m'intéresse pas, et parceque, par conséquent, il y a peu de chance pour que je parvienne à vous y intéresser.

Vous pouvez néanmoins avoir plus d'éléments en lisant les différents entretiens, plus ou moins orientés, que Yves Pagès a pu donner ci et là.

Pour résumer l'état d'esprit de l'oeuvre, selon Marie Gauthier:

Jobs absurdes non qualifiés ou méprises sur les qualificatifs du boulot, les Petites natures mortes au travail parlent ni plus ni moins de l'aliénation, telle que l'entendait Karl Marx, camouflée sous des tenues plus sophistiquées mais changeantes, au gré des modes et des mots qu'Yves Pagès décrypte avec style.

C'est aux "CDD d'aujourd'hui, dcd de demain" que ce livre acide est dédié !

23 petites natures mortes ou, au choix, 23 "junkies sevrés à la tâche" y sont hachés menus par la plume tranchante d'Yves Pagès.

(cf. cette rubrique )

Un "livre acide" décortiquant l'être humain dans son environnement de travail et le potentiel lobotomisant, aliénatoire de ce dernier.

Il s'agit effectivement d'un "mélange de provocation et d'ironie, un point de vue décalé et d'une certaine manière un exercice de style" (voir ici)

Littérature pâlotte sous la lumière blafarde des néons d'usines, c'est un réalisme terrible qui donne prétexte aux délires les plus variés, du syndrôme delphinien aux Vigiles exposés aux soldes monstres.

La misère et les déserts affectifs, bien réels et navrants, donnent lieu à une série d'élucubrations fictionnelles sombres et drôles.

J'aime beaucoup l'équilibre qui est trouvé dans le livre, "entre la part de l'écriture, qui a sa liberté propre, et la part d'un sujet social délicat à manier. L'espace de jeu du langage et l'imagination ne laissent jamais oublier que ce dont on parle ici est finalement tragique. Et de ressentir cette profonde tristesse devant tant de gâchis, comme l'auteur, dans une rame de métro, reconnaissant le mendiant qui vient de débiter sa biographie sur un ton monocorde : "Emmanuel, gratteur précoce de guitare, branlotin vantard, fils unique de sa grand-mère, perdu de vue au détour d'une fatale réorientation professionnelle"."

(cf. la critique de M. Christophe Dabitch)

Hotesses d'accueil à grossesse rétroactive, correcteur alcoolique, Pluto étouffant sous son costume, bref...

On nous offre ici une véritable "ethnologie" (Dabitch précité), certes un poil trop caricaturale à mon goût, du boulot précaire, vil et crasseux.

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