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[Lecture] Neal Stephenson - Anathem


xa_chan

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Neal Stephenson est un auteur que j'affectionne particulièrement. Il écrit de l'excellente SF, qu'on peut classer généralement dans le "cyberpunk", même si parfois cette appellation recouvre tout et n'importe quoi. Cependant, il se place dans la lignée d'un William Gibson ou d'un Walter Jon Williams. Cependant, il sait ne pas se limiter à cette catégorie, Panique à l'université ou The System of the World sont des exemples de sa diversité d'auteur.

J'ai découvert Neal Stephenson un peu par hasard dans ma bibliothèque municipale après avoir découvert William Gibson. Le premier titre que j'ai lu de lui, Le Samourai Virtuel (mauvaise traduction du titre anglais, Snowcrash, mais j'imagine que c'était plus vendeur), m'a tout de suite rendu définitivement fan de lui. Action, "hard science" (science-fiction basée sur l'extrapolation des connaissances scientifiques actuelles), réflexion, psychologie des personnages, Neal Stephenson sait mélanger le tout pour obtenir un cocktail détonnant mais équilibré.

Anathem est son dernier bouquin en date, non traduit en français pour le moment (tout comme le précédent, le cycle du System of the World, sur lequel je reviendrai sans doute un jour). On ne peut pas vraiment le qualifier de science-fiction au sens propre. C'est plutôt une uchronie, un univers parallèle offrant de flagrantes similitudes avec le nôtre mais en différant sur bien des points aussi.

Le cadre, la planète "Arbre" (nom en VO, je n'y peux rien). On suit les aventures de Fraa Erasmas, un "avout", ce qui pourrait être l'équivalent d'un moine : les Fraas et les Suurs vivent en effet dans des communautés fermées, autarciques, avec un certain nombre de rites bien particuliers. Ils sont divisés en couvents, les Annuels, les Décennaux, les Centenaires, les Millénaires ; ces noms indiquent en fait à quelle fréquence ces différents couvents ouvrent la porte qui les relie au reste du monde. Inutile de dire donc que les Annuels et Décennaux ont une chance de revoir l'extérieur un jour, beaucoup moins les Centenaires et les Millénaires.

Mais ce n'est pas si simple : un Fraa ou une Suur peut quitter la communauté et retourner dans le monde séculaire sous différentes conditions. Soit il décide de partir de son propre chef, pour des raisons qui lui sont propres et dans ce cas il passe la porte sans autre possessions que des vêtements simples. Aucun soutien à attendre de qui que ce soit. Soit il est appelé par les Pouvoirs Séculaires (les gouvernements) pour remplir une tâche bien précise car ceux-ci ont besoin de ses compétences. Soit enfin il est exclu de la communauté pour faute grave et est renvoyé au monde extérieur après le rite de l'Anathem. Dans tous les cas, le passage de la porte est un voyage sans retour...

Ah, petite précision : les Fraas et les Suurs ne sont pas vraiment comme nos moines et bonnes sœurs ! Ici, c'est la science qu'ils pratiquent et non la religion ! Les scientifiques se sont ainsi retrouvés "parqués" dans ces couvents après plusieurs catastrophes dues à la mauvaise utilisation de la science. A chaque fois, ces mauvaises utilisations ont résulté en des révolutions et des émeutes mondiales et en la mise à sac des couvents de scientifiques. Seuls trois dans le monde sont toujours restés inviolés. Depuis, les avouts se méfient des séculaires, et réciproquement.

Fraa Erasmas est membre du couvent Décennal d'un de ces trois "inviolés". Sa carrière est donc toute tracée, mais certains évènements vont bouleverser cet état de fait. Impossible d'en dire plus sans dévoiler des pans importants de l'intrigue, vous comprendrez donc que je m'arrêterai ici dans ma description du sujet de l'histoire !

L'ambiance du bouquin est intéressante : on baigne dans un monde limite steampunk, à la fois plus et moins avancé technologiquement que le nôtre. Le postulat de départ, ces scientifiques "isolés" du reste de la société est aussi plutôt inhabituel et très intéressant. Neal Stephenson sait raconter une histoire et si vous vous lancez dans ce livre, vous verrez que rapidement, Fraa Erasmas devra penser plus "large" que son couvent ! Neal Stephenson a réussi à créer dans Anathem un monde tout à fait plausible et cohérent. Il est ainsi allé jusqu'à inventer du vocabulaire : l'impression d'exotisme mâtiné de "déjà-vu" est saisissante, renforçant à la fois le caractère d'étrangeté et de familiarité de ce monde.

La seconde caractéristique de Neal Stephenson, c'est d'aimer jouer avec l'érudition de son lecteur. Oui, il est préférable d'avoir quelques notions de physique, mathématiques et autres sciences pour lire du Neal Stephenson, mais il sait aussi rendre accessible à tous des notions pourtant assez complexes. Dans Anathem, ne flippez pas, mais vous vous frotterez aux espaces à N-dimensions, entre autres... B) Il n'en est pas à son coup d'essai : si ses premiers romans s'appuyaient sur de vraies bases scientifiques, Neal Stephenson a pris le parti de les exprimer clairement au cours de ses romans à partir notamment de Cryptonomicon, un vrai monument là aussi, qui mêlait science, cryptographie et chasse au trésor de guerre nazi.

C'est un vrai tour de force qu'il réussit là, à mon sens : intégrer des pages et des pages de discussions théoriques scientifiques sans que jamais on ne s'ennuie ni que cela ne ralentisse le cours du livre ! Bien sûr, on l'appréciera d'autant plus si on a au moins quelques bases scientifiques, mais à mon sens même le novice peut apprécier pleinement un roman de Neal Stephenson.

Anathem est donc une vraie réussite, une de plus, pour cet auteur. C'est un pavé, je ne vous le cache pas (900 pages en format poche !), mais un pavé très digeste, qu'on lâche difficilement avant la fin. Il ne reste plus qu'à espérer qu'il soit rapidement traduit en français, pour que le plus grand nombre puisse l'apprécier. Car oui, et ce sera mon avis final, en VO Anathem est plutôt réservé à des lecteurs extrêmement à l'aise avec l'anglais : non seulement Neal Stephenson utilise un registre de langue plutôt soutenu (le gars sait écrire, ça se sent), mais de plus il manie des concepts scientifiques assez pointus ; et pour couronner le tout, plaçant son roman sur une autre planète, il invente des mots ! Il a le bon sens d'intégrer un glossaire (mêlé au cours du livre, c'est très original et ça ne brise pas la lecture : on "absorbe" en fait les mots inconnus jusqu'à ce qu'on rencontre l'entrée de glossaire correspondante). Moi-même, qui peut sans fausse modeste me targuer d'un niveau d'anglais quasi-bilingue, je n'avais pas intérêt à lire tout cela par-dessus la jambe, sous peine de rater un truc !

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Carambar> hmm, difficile de te conseiller vraiment. Voilà mes réflexions :

Zodiac : excellent polar éco-terroriste. Peut-être finalement le moins "S-F" des trois Neal Stephenson que tu cites, mais remarquablement bien écrit. Je dirais quand même "amuse-gueule" (sans que ce soit péjoratif) par rapport aux deux autres que tu cites.

Snowcrash : j'aurai toujours une faiblesse pour ce roman, vu que c'est lui qui m'a fait découvrir Neal Stephenson. De la vraie SF pure et dure, mais côté "anticipation et hard science".

Cryptonomicon : là c'est à nettement plus longue haleine. Cependant les 3 tomes se dévorent à grande vitesse ! Neal Stephenson mêle passé et présent, politique et cryptographie, boursicotage et aventures de la seconde guerre mondiale, dans un immense jeu de piste ébouriffant !

Bref, pour synthétiser, je commencerais par Snowcrash, puis j'enchaînerais sur Zodiac pour me réserver le "plat de résistance", le Cryptonomicon, pour la fin :o

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