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[lecture] Isaac Babel -- La cavalerie rouge suivi de Journal


bunee

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Titres originaux: Konarmia et Dnievnik 1920

Le premier traduit du russe par Irène Markowicz et Cécile Térouanne,

le second par Wladimir Berelowitch

ISBN: 2-7427-0999-1

Livre à ce point fascinant, profond et marquant qu'il a inspiré à Ipoustéguy ses Guerres du milieu.

Carole Ksiazenicer-Matheron met brillament cette oeuvre en perspective avec celle d'un contemporain de Babel, ayant vécu la même guerre: Victor Chklovski, qui a d'ailleurs intitulé Voyage sentimental le récit de son périple de 1917.

Selon Carole Ksiazenicer (précitée):

Les récits de Cavalerie rouge écrits par Babel à partir de son expérience de correspondant de l’agence de presse soviétique lors de la guerre polono-bolchévique en été et en automne 1920 se caractérisent par un détour par l’imaginaire géographique, parcours initiatique d’un paysage bouleversé et signifiant, ouvert au déchiffrement et à une mise en fiction opérant le lien entre l’espace et le moi écrivant.

C'est effectivement une narration travaillée à l'extrème décrivant la guerre des confins, entremêlant dimension esthétique de l'histoire et mortelles apories (préc.)

La libération passe par le massacre, conflit entre l'identité communautaire (juive) du narrateur et son identité politique.

1920: les soviétiques sont dans une longue croisade rouge vers la Pologne et l'Ukraïne encore blanches et lancent vers l'Ouest des hordes de cosaques, plus ou moins ensauvagées (expression de Babel).

Parmi ceux-ci, la cavalerie, menée à un rythme effréné par Boudionny (ou Boudienny -- autrement appelé le Murat rouge) contre Dénikine , et au sein de laquelle est affecté Isaac Babel.

Cavalerie rouge réunit 36 récits inspirés d'épisodes vécus, tandis que Journal de 1920 reprend, de façon beaucoup plus elliptique et brutale, la campagne ayant eu lieu de juin à septembre 1920.

Voyage absurde, halluciné et effarant au coeur des massacres et des pillages, souffrances des hommes et des chevaux, errances entre les paradoxes, l'écriture de Babel est à la fois violente et poétique (sur les spécificités poëtiques du langage de Babel, voir cet article), son champ lexical tourne autour de la mort et du sang.

Tout est rouge et oppressant autour de lui -- lui, perdu dans la tourmente carnassière.

On oscille souvent entre le cauchemard et la réalité (flou des limites entre le sommeil et l'éveil).

La biographie de Babel nous révèle un destin tout aussi tourmenté:

tout d'abord communiste engagé, ayant Gorki comme protecteur (en tant qu'ancien co-rédacteur du Cavalier Rouge, journal), il sera ensuite désavoué (Boudienny, par la suite, évoquera un mensonge à propos des écrits de Babel), écarté du régime puis arrété et exécuté au bout d'un procès d'une trentaine de minutes.

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